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Interview avec Philippe Attali, auteur du jeu Almost Innocent.

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Pour cette seconde interview, on reçoit Philippe Attali qui a créé le jeu Almost Innocent. Dans cet échange, vous découvrirez les étapes que suit un auteur de jeu de société et tout ce qui s’est passé pour que le jeu Almost Innocent arrive en boutique. Philippe a commencé à réfléchir à ce jeu il y a plus de 7 ans et beaucoup de choses se sont passées depuis ! Le jeu cartonne et se vend dans plusieurs pays, mais la route a été longue et ça a été un travail d’équipe. Découvrez le déroulement de ce conte de fée, et les conseils à suivre pour créer un jeu de société. Nous avons retranscrit une partie de nos échanges dans cet article (on a beaucoup papoté alors on a fait une petite sélection sur le papier…). Bonne lecture !

Vous pourrez écouter l’interview complète en Podcast également sur Spotify d’ici deux jours, en cliquant ici.

Transcription écrite des moments importants.

Bonjour Philippe, et merci d’avoir accepté cet interview, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je m’appelle Philippe Attali et je suis enseignant de profession, auteur de jeu étant une passion. Je suis également rédacteur sur le blog de Geeklette et sur le Carnet des Geekeries. L’idée (dans ces blogs) est de parler de jeux que j’aime, qui m’ont touché, sans énoncer de critiques négatives.

Et donc tu viens de sortir Almost Innocent !

Oui, cela fait un mois que le jeu est sorti. Il est sorti pour Essen, le festival international du jeu en Allemagne. Il était présenté sur le stand de Colossal Game, j’étais super content car les boites se sont vendues très rapidement, le jeu était en rupture avant la fin du festival.

En général sur le site j’arrive à expliquer un jeu de société, mais pour Almost Innocent il était très difficile d’être clair. Je suis curieux de voir comment tu vas l’expliquer ?

Paradoxalement ça me fait très plaisir que tu dises ça, car le jeu est simple dans les règles, et pourtant à expliquer comme ça pour quelqu’un qui n’a pas le matériel sous le nez c’est un peu complexe. Ça me fait plaisir car j’ai peut-être tapé dans quelque chose qui est un peu original.

Comment ça marche (dans Almost Innocent) : on va être une troupe de fiers aventuriers, dans la suite scénaristique du jeu Hidden Leaders produit par BFF GAMES. Ce n’est pas la même mécanique de jeu pour autant dans ce jeu que dans Almost Innocent. On va avoir un plateau central sur lequel il y a 6 preuves, 6 crimes, 6 victimes et 6 lieux. Dans ta main tu vas avoir 1 preuve, 1 crime, 1 victime et 1 lieu. Chaque joueur va avoir ça dans sa main. La combinaison de cartes que tu as dans ta main, est celle que doit trouver le joueur à ta gauche. Le joueur à ta droite est celui qui a ta solution. Donc pendant le jeu tu vas devoir poser des questions (deux types de questions seulement). Le but du jeu, qui est coopératif, est que chacun trouve sa solution à la fin de la partie. Quand tu poses des questions, tu poses des questions pour aider un ou plusieurs autres joueurs.

Le jeu dispose d’un plateau central en forme de damier. Dès qu’on interroge une ligne, on ne peut plus l’utiliser jusqu’à la fin de partie. La partie s’arrête quand les questions ont été posées et chacun annonce sa solution qu’il pense avoir trouvée. C’est vraiment dur à décrire, il y a un côté sudoku cases à cocher, on essaie d’éliminer les mauvaises cases. L’une des choses que j’aime beaucoup dans mon jeu, c’est que personne ne doit être laissé de côté autour de la table.

Et pour en revenir au prototype original, la résolution de partie était différente : quand c’était ton tour, tu disais ta solution. La personne qui avait ta solution te disait oui ou non, et si c’était non on avait tous perdu. Et justement chez Matagot on m’avait dit que cette résolution était un peu sèche, et elle a été modifiée pour rendre tous les joueurs attentifs, et conserver le suspense jusqu’au bout. Et parfois il y a une espèce de pression qui se crée au fur et à mesure des résolutions.

Pour ceux qui n’ont pas joué, il y a même une campagne, avec des pouvoirs de personnages.

A l’origine il y avait une grille de performances, et moins tu faisais de tours plus tu performais. Le jeu a été finaliste au concours de Boulogne. J’en ai parlé sur twitter, et très vite Matagot m’a contacté et j’ai envoyé un prototype. Il a été listé les éléments qui n’allaient pas dans le jeu, et on a parlé d’un thème. A l’origine le prototype parlait d’un meurtre, on devait jouer les gardes du corps, et ça s’appelait « qui veut tuer Kyle Libby » il fallait trouver les suspects et les arrêter avant une certaine heure.

J’ai fait confiance à Matagot qui a fait une version prototype ultra épurée. Ils ont ajouté des éléments : ils ont gardé mon jeu et se sont demandés ce qu’ils pouvaient y ajouter. Tout le jeu ce sont des petits ajouts qu’on peut utiliser ou non, mettre le plateau et mettre ou non des modules. C’est une belle rejouabilité qu’on doit à BFF Games. Ce que je ne voulais vraiment pas c’est un jeu élitiste : pour 4 mathématiciens dans le monde qui vont se régaler quoi. Et la boite se réutilise, et on peut utiliser les modules sur les plateaux qui n’étaient pas destinés à ça au départ.

C’est ton premier jeu ?

J’ai aussi créé avec deux autres auteurs le jeu Voyage Olfactif, édité par Sentosphère. Dans ce jeu pour les enfants, on peut sentir des boites avec différents parfums et il faut les associer à un paysage.

Comment se passe la réalisation d’un jeu ?

Premièrement, ce que je conseille c’est de noter ce qui selon toi caractérise ton jeu en quelques phrases, pour pas oublier le cœur du jeu. Si ça se trouve c’est complètement naze quand tu te relis mais ce n’est pas grave. Si tu as l’idée, tu la notes. Ensuite tu fais un prototype en carton très simple. Il faut voir la mécanique du jeu, pour voir s’il fonctionne. Il faut que ça tourne sinon les bases ne sont pas bonnes. Par exemple pour Almost Innocent, l’idée des deux questions est venue très rapidement et n’a pas bougé durant tout le développement du jeu. Il aura fallu 7 ans entre l’idée originale et l’édition du jeu, mais l’idée d’origine n’a pas bougé.

Puis je me suis rapproché d’une association qui s’appelle la Ligue extraordinaire des auteurs franciliens. Je conseille vraiment aux gens de faire ça, se rapprocher d’une association et venir avec un prototype en carton. Il faut faire quelque chose de propre, de soigné, mais surtout pas avec des heures de travail sur le matériel. Si tu visites un appartement vide ou méga décoré, la projection ne sera pas la même. C’est plus facile de se projeter avec un prototype soigné et ultra lisible. Quand j’ai envoyé mon prototype chez Matagot, il était compréhensible. Le prototype a été testé dans une association, donc ce sont des personnes que tu ne connais pas du tout, et les critiques seront cash. L’avantage c’est que tu montres ton prototype à des associations avant de le montrer à des éditeurs. Une remarque par exemple est revenue plus souvent (j’ai la solution du voisin mais je ne peux pas lui donner) et finalement plusieurs personnes me l’ont dit, et j’ai donc revisité les règles de base de mon prototype. Je n’avais plus de nouvelles idées à amener sur le jeu, après trois ans d’essai, je passe le concours de Boulogne et je suis remarqué par Matagot. Une semaine après j’ai signé avec eux.

Il faut être patient. J’ai une grande admiration pour les auteurs de jeux qui font ça à plein temps, parce que moi je suis enseignant, j’ai un travail à plein temps et je n’attends pas après ça pour manger, cela reste un loisir et donc une grande chance d’avoir pu faire publier mon jeu. Mais il a fallu attendre 7 ans.

Faut-il protéger son jeu avant de le confier à un éditeur pour ne pas se faire piquer l’idée ?

Alors c’est très important de montrer son jeu avant, de le présenter à des festivals et des concours, il y a un passif et le jeu vous appartient, il y a une trace. Il faut faire une vidéo d’explication de règles uniquement si l’éditeur vous le demande. Ne pas la rendre publique. Matagot n’aurait pas pu me piquer l’idée car il était simple de prouver que j’en étais l’auteur à la base. Un conseil aussi : ne pas prendre mal un éditeur qui vous dit que le jeu de l’intéresse pas.

Donc cela fait 3 ans que vous avez signé le contrat avec Matagot ?

Oui, on a fait un kick strater qui a été suivi par le marché américain (Colossal game, co éditeur avec Matagot). Le kit a été distribué en France fin juillet 2023. Si tu as l’idée d’un projet et tu as envie de l’éditer, tu proposes une pré-commande au public pour la produire. Pour préfinancer la production du jeu, créer le buzz ou améliorer le matériel. Les boites entre le kick starter et celles qu’on trouve en magasin sont restées les mêmes. Tout ce qui est design, matériel, finance etc ne me regarde pas. Moi je regarde uniquement que les règles du jeu aient été respectées.

On peut parler rémunération ?

Tu as plusieurs possibilités, mais de manière générale ta rémunération se sont des royalties, compris entre 4 et 10 % des ventes. C’est vraiment un travail d’équipe, c’est-à-dire que mon jeu tel qu’il est là, je suis une pièce du puzzle, trois éditeurs se sont penchés dessus pour faire un matériel efficace, l’illustrateur aussi.

Oui il y a tout un tas d’intervenants. Et tu es obligé d’avoir une micro entreprise à côté ?

Non du tout, tu déclares à l’Urssaf en tant qu’artiste. Ce sont des droits d’auteur perçus tous les six mois.

Tu as une idée du nombre de boites vendues jusqu’à aujourd’hui ?

Le kit starter c’est plus de 2 200 boites, mais je ne sais pas combien de boites ont été vendues jusqu’à aujourd’hui. Par contre c’est vrai qu’il y a l’effet boule de neige qui peut être surréaliste, notamment j’ai vu que le jeu était joué en Chine par exemple, c’est surréaliste et hyper agréable.

Combien as-tu essayé de prototypes de jeu avant qu’un ne réussisse ?

Il y a 95% de mes prototypes qui restent au placard. J’ai fait un jeu pour enfants signé avec un éditeur il y a 5 ans, mais pas encore sorti. Certains prototypes n’ont pas abouti. Et surtout si un éditeur s’engage sur un prototype, il faut demander une avance, qui est souvent prévue au contrat. Il faut vraiment le faire car parfois certains auteurs donnent le prototype sans demander d’avance et le contrat ne signe finalement pas. Même 50 € pour acter le truc. Quand on fait un prototype, il faut vraiment se demander si on prend du plaisir à le faire et ne pas que ça bouffe la vie. Moi j’ai pris énormément de plaisir à faire ce jeu-là, et j’étais arrivé au bout de ce jeu. Matagot a pu offrir un second souffle ce qui est génial. Le fait qu’il soit sorti c’est que du bonheur.

J’étais finaliste au concours de Boulogne (sur une centaine de prototypes) à c’est le déclencheur de cette aventure. La probabilité que mon jeu soit édité aurait été très faible sans avoir terminé finaliste au concours de Boulogne. Je n’aurai pas été démarché davantage, je serais passé à autre chose. Il ne faut pas qu’un prototype vous pourrisse la vie, car la probabilité qu’il soit édité et même qu’il ait du succès est faible. Si t’es pas au moins fier de ton prototype tu auras tout perdu quoi. Il faut que ça passionne, et si l’idée se concrétise c’est tout bénef, un rêve éveillé. Je suis sur mon petit nuage en ce moment. Je le souhaite à tout le monde, mais si vous créez un jeu ça va prendre beaucoup de temps à le repenser, le recréer etc, il faut être patient. Celui-ci aura mis 7 ans.

Merci pour ton enthousiasme et félicitations ! On surveille de près la sortie du jeu enfant. Tu connais le nom ?

Non, et même le thème a changé, il est donc travaillé en profondeur.

On peut te suivre sur les réseaux sociaux ?

Oui, sur Instagram et Twitter (X) c’est @BDPhilou et sur Bluesky c’est Philippe Attali.

Merci encore Philippe d’avoir pris le temps de discuter avec nous. Prochainement sur le site sur la chaine Youtube l’interview de l’auteur du jeu Kauri, restez connectés !

Date et invité de la prochaine interview.

La prochaine interview aura lieu courant novembre avec l’auteur du jeu de société Kauri. « Charlec »‘, qui a aussi créé le jeu asymétrique « La Bête », nous expliquera comment lui est venu l’idée de Kauri et ce qu’on y fait. N’hésitez pas à mettre note site en favori ou vous abonner à la newsletter ci-dessous pour ne rien rater.

Auteur
Thibault DIRINGER
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