Merci à Julien de la boutique Sortilèges de La Rochelle, pour nous avoir fait découvrir le jeu Kauri. Nous l’avons testé en long large et travers. On a voulu en savoir plus sur son auteur, Charlec, qui était partant pour répondre à nos questions. Merci à lui d’être intervenu pour ce troisième Podcast. L’interview dans son intégralité est à retrouver sur notre chaine Youtube ou ci-dessous. L’article vous donne une version écourtée à lire.
Transcription écrite des moments importants.
Bonjour, Charlec, tu es l’auteur du Kauri, veux-tu te présenter ?
Je suis à plein temps dans le jeu, auteur Kauri et éditeur, donc là, c’est clairement mon activité de ces deux dernières années. J’ai eu une autre vie avant cela, j’ai fait pas mal de choses, notamment skipper pendant 10 ans, j’ai arrêté avant le Covid il y a 4 ans, et je me suis reconverti dans le jeu et pour l’instant les planètes s’alignent donc je suis content.
Auteur d’un ou deux jeux, ce n’est pas suffisant pour vivre, donc c’est mon hobby du samedi et dimanche. Mon boulot c’est responsable pôle jeux pour l’éditeur Biotope, je suis salarié plein temps. Ils ont créé le poste pour moi, et le fait d’être salarié c’est sécurisant, je ne prends pas les risques financiers, et j’ai carte blanche ils me font confiance ça se passe bien, c’est hyper intéressant. Ma casquette d’auteur j’y tiens, je suis très content de ce que j’ai pu faire en tant qu’auteur mais ça ne représente pas mon activité principale. Mais j’ai plein d’idées et de prototypes, c’est un problème de temps, je cours après le temps.
Kauri a été édité chez Débâcle jeux, pourquoi pas chez Biotope ?
En effet, en tant qu’auteur, je n’ai pas eu la main sur l’édition, il y a eu en octobre dernier La Bête édité par Multivers, et Kauri édité par Débâcle Jeux.
En tant qu’éditeur tu vas chercher les jeux ou tu dois trier les jeux qu’on t’envoie ?
Alors on va chercher les jeux pour l’instant, petit à petit des gens nous amènent leurs jeux. Plus la maison d’édition est robuste et installée, plus elle est sollicitée et a de tris à faire.
Je vais te laisser présenter Kauri, je suis curieux de savoir où tu as trouvé cette idée ?
Alors Kauri est un jeu asymétrique à destination des familles, ce n’est pas un jeu expert. Il raconte une histoire qui a existé : le bouleversement qu’a connu la Nouvelle-Zélande à l’arrivée des mammifères sur une ile qui n‘en comportait pas, il n’y avait que des oiseaux et des arbres avant cela. Dès qu’un changement arrive, c’est la révolution dans l’environnement : donc d’abord les Maoris, puis les premiers européens quelques siècles plus tard, en introduisant notamment des nuisibles.
L’idée me vient d’une situation que j’ai observée sur place il y a 10 ans lors d’un voyage en famille. L’idée m’a « popée » en 2016, je suis parti sur un petit jeu de cartes, j’ai dessiné l’ile de la Nouvelle-Zélande, taillé des régions et en trois mois j’avais le cœur, la base, le squelette du jeu. Ça ne tournait pas c’était bancal, mais il y avait ce principe de factions, incarnées par des factions animales et humaines, avec des cartes évènements qui reviennent dans la main.
Le Possum se reproduit et se déplace, le Kiwi tente de sauver les meubles, il dresse des barrages, il essaie d’échapper à la déroute, l’Anglais il coupe du bois il est bûcheron. C’est essentiellement ce qu’ont fait les européens au 19è siècle, et les néozélandais sont soucieux de leur environnement et protecteurs. Ils ont fait du possum l’ennemi public numéro 1 en Nouvelle-Zélande aujourd’hui. L’histoire raconte que les maoris et les anglais n’étaient pas amis au début. Je raconte cela dans le jeu, les objectifs sont croisés et souvent se contredisent. Voilà d’où vient l’idée.
Dès le départ il y avait les 4 factions ?
Non au départ il y avait 3 factions, la maorie est arrivée après. Je restreins le jeu avec 3 factions. La maorie il faut savoir la contrer dans le jeu.
En première partie il y a une grosse cible dessinée sur le possum. Les réactions sont affectives en premier lieu. Le kiwi fait peine au début, c’est souvent lui qui gagne. Il y a un peu de déraison en première partie. Quand on connait le jeu des autres factions le jeu a tendance à se niveler.
Il y a un vrai travail sur chaque carte, c’est toi qui as réfléchi à tout ?
Avec Benjamin le directeur artistique, on s’est épuisé le cerveau sur le « wording », l’écriture de la règle et la terminologie. Tout a été questionné pour que le thème soit bien présent au cours de la partie. On ne sort pas du thème et c’est une volonté.
Oui c’est ce qu’on appelle le « fluff » dans le monde du jeu, qui est parfaitement respecté.
Quand je fais un jeu, je commence toujours par éplucher l’histoire.
Je suis curieux de savoir comment on équilibre un jeu comme ça ? Les 4 factions ont des objectifs totalement différents, des actions totalement différentes, et pourtant l’ensemble est équilibré, comment as-tu fait ?
C’est du sang et de la sueur. Des centaines de parties auxquelles j’ai participé et d’autres non. Je participais aux parties avec l’environnement proche, famille, ludothèque, avec plusieurs niveaux de tests (primo joueurs sur festival public, tests plus profonds avec multitudes parties). Donc beaucoup de tests. Il a été dans les mains d’un autre éditeur qui s’était épris du jeu mais n’avait pas réussi à l’éditer (pour une autre raison non liée au jeu). Débâcle jeux a pris le relais et le boulot qui aura été fait au fil du temps dessus n’aura pas été perdu. Pas d’inspiration divine pour l’équilibrage en tout cas.
Surtout pour un jeu asymétrique. C’est le risque aussi, et ça aurait été plus simple de faire autrement c’est sûr, c’était une grosse prise de risque. Et malheureusement un tableau Excel n’aurait pas pu l’équilibrer, il faut forcément jouer et faire jouer.
Est-ce que le mode deux joueurs était prévu dès le début ?
Je n’étais pas obligé, c’est un argument commercial. Le jeu est plus faible à deux joueurs mais on y trouve quand même un peu d’intérêt. Il est plus intéressant à trois et quatre joueurs.
Le jeu est magnifique, les images sont splendides, il y a une volonté sur la bonne finition sur la forme également, qui décide de tout ça ?
La décision finale c’est toujours l’éditeur car c’est lui qui finance le projet. Jérémy Fleury (l’illustrateur) a été convié au projet et c’était une idée lumineuse. Il a amené également des idées, on lui doit d’ailleurs le titre du jeu, Kauri. Il a fait des recherches et a voulu tester, comprendre et apprécier le jeu avant de dessiner. Notamment les bateaux kauri, il a fait des recherches.
L’ensemble, c’est Benjamin qui a conçu les pions et a su homogénéiser l’ensemble avec le travail graphique. C’est une adjonction de talents qui fait que le jeu est aussi beau.
As-tu d’autres projets à venir ?
Oui, pour 2024 il y a deux parutions, plus légères que Kauri : l’extension de la Bête qui s’appelle Hurlements qui arrive en début d’année pour le festival de Cannes si tout va bien. C’est une petite extension mais il y a des apports mécaniques intéressants. Pour la fin d’année 2024 un autre projet, plutôt un jeu d’ambiance avec un co-auteur, Christian, sur le crack boursier de 1929. C’est un jeu d’échanges frénétiques.